La communication, rouage essentiel du changement
La communication, rouage essentiel du changement
J’ai eu l’occasion de participer en tant que formateur et coach à une mission de coaching d’équipe qui accompagne et soutient une réorganisation dans une grande organisation. Quelques mots sur l’objectif de cette mission d’abord.
Le contexte
Une grande entreprise décide de réorganiser ses méthodes de travail tout en diminuant ses coûts en vue d’un gain d’efficacité et de rendement. Cette entreprise compte plusieurs sièges d’activité et c’est à ce niveau que se situera mon action, plus précisément avec les équipes de Direction de ces sièges et leurs chefs d’équipe opérationnels.
Un des objectifs de notre intervention consiste à souder davantage les équipes de management (directeurs et chefs d’équipe) en vue d’une meilleure communication, un travail d’équipe plus efficace et moins cloisonné et plus généralement une adhésion aux objectifs de la réorganisation en cours. Plusieurs séances de coaching d’équipe sont programmées en ce sens.
Cette mission m’a apporté une confirmation claire et évidente – s’il en fallait encore – que la communication est un enjeu majeur dans toute transformation organisationnelle en ce qu’elle exerce une influence déterminante sur la qualité des relations interpersonnelles et sur les perceptions individuelles et collectives des enjeux du changement.
Bien sûr, je n’aborde pas ici la question du bienfondé des changements eux-mêmes, de la réorganisation ni de la justesse des nouvelles normes et des nouveaux processus de travail définis. Je me limite ici à la perception qu’en ont les opérateurs de terrain que j’ai pu rencontrer et à l’influence de la communication sur celle-ci.
La confiance gagnée au fur et à mesure de mon intervention, j’ai pu recueillir, lors de discussions informelles, les ressentis et les craintes de plusieurs acteurs de terrain :
- D’une part, les changements ont suscité une attente plutôt positive ; un « coup de boost » ressenti comme nécessaire, indispensable même, dans une organisation qui s’ankylosait alors que le marché sur lequel elle opère est, quant à lui, dynamique et extrêmement concurrentiel.
- Mais ce ressenti positif s’accompagne aussi d’un sentiment de dépréciation. La qualité du travail effectué avant la réorganisation semble balayée d’un revers de la main.
- Une peur de ne pas y arriver, d’être « recalé » par rapport aux nouvelles normes ressenties comme trop exigeantes tenant compte de ressources considérées comme trop limitées.
- Des compétences personnelles perçues comme insuffisantes par rapport à des responsabilités élargies.
- Une amertume et une lassitude. « En dehors du fait de conserver son job, quel intérêt avons-nous dans toute cette opération ? Seuls les actionnaires sont gagnants ! »
- Un sentiment ambigu par rapport aux conditions de départ volontaire : « ai-je bien fait de rester ? N’aurais-je pas dû prendre le pactole proposé et tenter ma chance ailleurs ? »
Le défi du management
Celui est triple :
- Atteindre des objectifs opérationnels et financiers élevés.
- Tenir compte des ressentis cités plus haut et restaurer la confiance et ce, malgré le fait que les ressentis en question soient en tout ou en partie partagés par les managers eux-mêmes.
- Soutenir, encadrer et à accompagner leurs équipes dans la mise en place de la nouvelle organisation.
Pour relever ce défi, la capacité du management à instaurer un climat de confiance, basé sur une communication ouverte, transparente, positive et permanente constitue, selon nos observations, une condition sine qua none de réussite.
Dans la poursuite de ce défi, nous avons identifié quelques facteurs de succès et un frein principal
Les facteurs de succès
- Les entretiens réguliers avec chacun en « one to one », entretiens ouverts et sans tabou.
- Certains directeurs de sièges ont confié l’animation de réunions – réunions qu’il dirigeait – à leurs collaborateurs directs. Charge pour ceux-ci d’assumer totalement la réunion en ce compris l’ordre du jour et la gestion de la réunion elle-même … Une vraie délégation donc.
- Une autonomie croissante : des directeurs ont laissé la résolution de la majeure partie des problèmes opérationnels à leurs chefs d’équipe. Il a fallu pour cela, un lâcher-prise de la part de ces directeurs notamment, dans le fait d’être le moins possible interventionniste en ne remettant pas en question la façon dont leurs collaborateurs avaient résolu tels ou tels problèmes quand bien même eux-mêmes auraient envisagé les choses autrement.
Le frein principal : l’absence de liberté d’expression réelle ou perçue
Pour illustrer ce frein, je vais relater un épisode critique survenu pendant une des séances de coaching d’équipe.
L’équipe d’un des sièges s’est plainte de ne pas parvenir à conserver le climat de liberté de parole qui régnait lors des séances de coaching. Dans la réalité … la vie réelle reprenait le dessus. Pour être plus précis, les personnes reprochaient aux réunions de reprendre leur caractère « top-down », c’est-à-dire fortement dirigées et laissant peu de place à la participation.
Lorsque cette critique a été formulée, le directeur et son adjoint se sont immédiatement justifiés en arguant de leurs propres contraintes. Ils étaient bien obligés, disaient-ils, de présenter les directives et les objectifs. Ce qui expliquait, selon eux, le peu de temps laissé à l’interactivité. D’ailleurs continua le Directeur, « je vous demande toujours en fin de réunion si vous n’avez rien à ajouter et vous ne répondez rien ! De plus, ma porte est toujours ouverte ».
Cette ligne de défense a aussitôt mis un terme à la discussion. Mais les expressions sur les visages étaient éloquentes : fermeture, refus, aigreur… résignation. Je suis intervenu dans la discussion en faisant remarquer que les expressions non-verbales des uns et des autres semblaient indiquer que l’explication n’était pas accueillie avec beaucoup enthousiasme. J’ai dû insister pour que les participants admettent qu’effectivement, ils n’étaient pas du tout convaincus par cette justification et qu’ils se sentaient fort frustrés par l’impossibilité de s’exprimer librement une fois revenu dans la vie réelle.
La réaction de la hiérarchie dans ce cas me semble caractéristique de ce qui passe souvent dans le feu de l’action de la « vraie vie ». Quelqu’un ose exprimer un avis contradictoire, un sentiment mitigé, un doute ou une peur ? Et il est aussitôt interrompu. Admettons qu’il n’est pas toujours facile pour un responsable de faire la distinction, surtout en situation de réunion, entre une attaque en règle de quelqu’un qui exprime une frustration toute personnelle et qui ne concerne en définitive que lui seul et une critique qui traduit un sentiment général ou largement partagé.
Mais la différence est de taille. Elle influence la perception que les personnes ont de pouvoir s’exprimer librement ou non. Or, cette liberté d’expression est étroitement liée à l’engagement. Si les personnes sentent que tout tentative d’aller à contre-courant ou d’exprimer franchement son ressenti est vouée à l’échec, l’opinion est vite faite : mieux vaut se taire et faire semblant d’acquiescer. Hélas, le prix à payer dans ce cas est lourd : désengagement et démotivation.
Particulièrement dans les périodes de transition qui engendrent beaucoup de résistance, de frustrations et de ressentis négatifs, faciliter le passage du non-dit au dit, créer des occasions pour y parvenir et stimuler les personnes qui sont réticentes à s’exprimer à le faire, constitue un défi permanent du management.
Négliger cet aspect et penser qu’il est préférable que la communication reste sous contrôle, politiquement correcte, risque de s’avérer une profonde erreur stratégique. Le résultat se traduira par un manque de transparence, un défaut d’adhésion, une diminution de la motivation … et même par de l’absentéisme.
Pour parvenir à une communication vraiment ouverte et transparente, outre la confiance, il faut un véritable apprentissage en termes de gestion de ses émotions face à la critique, tant pour celle ou celui qui la reçoit, que pour celui qui la formule.
Jean-Pierre Vandenbroeck – Formateur coach